Discours

Notre positionnement vis-à-vis de la Chine : discours du ministre des affaires étrangères de 2023 à la Mansion House

Lors d'un discours à la Mansion House, dans la City de Londres, le ministre des affaires étrangères, James Cleverly, a précisé le positionnement du gouvernement britannique vis-à-vis de la Chine.

Cela a été publié dans le cadre du 2022 to 2024 Sunak Conservative government
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Monsieur le Maire, Vos Excellences, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de m’avoir invité à m’adresser à vous ce soir et, bien qu’il soit de coutume dans un tel cadre de couvrir toute l’étendue des affaires mondiales.

Vous me pardonnerez, je l’espère, de me concentrer sur un nombre plus modeste de questions auxquelles nous sommes confrontés, car il serait malvenu de ne pas commencer par la crise qui frappe aujourd’hui le Soudan. Comme vous vous en doutez, j’ai participé à des réunions du COBR et à d’autres réunions sur notre réponse à la situation actuelle. Je peux vous faire savoir qu’un vol de la Royal Air Force a quitté le Soudan, transportant des ressortissants britanniques en lieu sûr ce soir, et que d’autres suivront.

Depuis le début de cette crise, nous planifions les moyens de faire sortir notre peuple. Maintenant que nos appels en faveur d’un cessez-le-feu à Khartoum, ainsi que ceux de la communauté internationale ont été entendus, nous mettons en œuvre ces mesures, en donnant la priorité à ceux qui en ont le plus besoin : les familles, les personnes malades et les personnes âgées.

Je me réjouis que les deux parties aient appelé à un cessez-le-feu de 72 heures, même si nous ne pouvons évidemment pas savoir combien de temps il tiendra, et que toute évacuation d’une ville dévastée par les combats est intrinsèquement dangereuse.

Le Royaume-Uni travaille main dans la main avec ses partenaires du monde entier. Après cette opération, nous ferons tout ce qui est en notre possible - aux côtés de nos partenaires locaux - pour parvenir à un règlement durable de ce conflit douloureux.

Bien évidemment, la situation au Soudan ne nous détourne en rien du soutien que nous apportons à l’Ukraine contre l’agression russe. Je sais que mes collègues du G7 ainsi que mes collègues du monde entier seront d’accord sur le fait que nous mettons l’accent sur ce sujet.

Même lorsque les urgences quotidiennes semblent devoir absorber toute notre attention, il est essentiel de ne pas perdre de vue les questions les plus importantes à long terme. C’est pourquoi ce soir je me propose d’aborder un sujet qui définira notre époque, à savoir la Chine et la politique du Royaume-Uni à son égard.

On me demande souvent de résumer cette politique en une phrase, ou de définir d’un seul mot la Chine elle-même : « menace », « partenaire » ou « adversaire ». Je commencerai donc par expliquer pourquoi cela est impossible, irréaliste et – surtout – imprudent.

La Chine est un des rares pays dont l’existence remonte à plus de deux millénaires, à l’année 221 av. J.-C. précisément, lorsqu’elle fut unifiée sous la dynastie Qin. A de multiples reprises au fil des siècles suivants la guerre civile et les invasions étrangères ont morcelé la Chine en royaumes rivaux mais, après chaque période de troubles, elle s’est toujours redressée. La première phrase du roman Histoire des Trois Royaumes décrit ce cycle : « Les empires croissent et déclinent ; les Etats se disloquent. Ce qui fut longtemps divisé doit assurément, un jour, retrouver son unité. Et ce qui, longtemps, fut uni, doit un jour, fatalement, se diviser à nouveau. » Et bien avant d’être réunis en un seul Etat, les Chinois ont créé leur langue et leur civilisation. Leurs caractères écrits sont apparus sous la dynastie Shang au cours du second millénaire avant Jésus-Christ. Leurs inventions – papier, imprimerie, poudre à canon, boussole – ont façonné le destin de l’humanité entière. Ces innovations sont essentielles pour comprendre pourquoi, pendant vingt des vingt-deux derniers siècles, l’économie chinoise a compté parmi les plus importantes au monde et pourquoi la Chine, en 1820, représentait un tiers du PIB mondial – plus que l’Amérique, le Royaume-Uni et l’Europe réunis.

Et puis survint une succession de calamités ; certaines furent causées par une agression étrangère ; d’autres trouvaient leur origine à l’intérieur même de la Chine. La plus grave fut la famine de Mao, qui se solda par des dizaines de millions de victimes, soit plus que toute autre famine dans l’histoire humaine. Et pourtant les quarante-cinq dernières années ont été les témoins d’un nouveau renversement étonnant. En libérant le génie entrepreneurial de son peuple, la Chine a accompli la plus vaste et la plus rapide expansion économique que le monde ait jamais connue. Pas moins de 800 millions de personnes sont sorties de la pauvreté dans une nation qui représente le cinquième de l’humanité et occupe un territoire presque aussi vaste que l’Europe continentale de l’Atlantique à l’Oural.

Aussi vous me comprendrez quand j’affirme qu’aucune formule à l’emporte-pièce ni aucun qualificatif isolé ne peut faire honneur à un tel pays ni refléter une approche sensée d’une telle nation. Si vous abordez la politique étrangère britannique à partir de petites phrases toutes faites, je crains que vous ne soyez déçu. Je commencerai donc par souligner la profondeur et la complexité de l’histoire et de la civilisation chinoises et, par extension, de notre propre politique.

Et je fonde cette politique sur une série de prémisses, dont la première est que quelles que soient nos différends avec les dirigeants de la Chine, je me réjouis qu’un si grand nombre de Chinois aient échappé à la pauvreté. Nous ne vivons pas dans un triste monde à somme nulle : leurs acquis sont nos acquis. Une Chine stable, prospère et pacifique est bonne pour le Royaume-Uni et bonne pour le monde. Face à l’avenir, je rejette toute notion d’inéluctabilité. Personne n’avait prédit le rapide passage de la Chine d’une famine de masse à une relative prospérité, et personne aujourd’hui ne peut affirmer avec certitude que le mastodonte économique chinois poursuivra éternellement sa route.

L’année dernière, pour la première fois depuis la mort de Mao en 1976, l’économie chinoise n’a pas progressé plus vite que l’économie mondiale, ce qui signifie que la part de la Chine dans le PIB mondial est restée constante en 2022. Et même si la Chine devenait effectivement la première économie mondiale au cours de la prochaine décennie, elle pourrait ne pas occuper longtemps cette place, puisque la diminution et le vieillissement de sa population pèseront de plus en plus sur la croissance future.

Je ne vois rien non plus d’inévitable en ce qui concerne un éventuel conflit entre la Chine d’une part, les Etats-Unis et l’Occident d’autre part. Nous ne sommes en rien obligés d’être prisonniers de ce que Graham Allison appelait le « piège de Thucydide », dans lequel une puissance émergente suit la trajectoire de l’Athènes antique et entre en collision frontale avec une superpuissance établie.

Nous avons les moyens d’agir ; les choix sont les nôtres ; et il en va de même pour nos homologues chinois.

Notre tâche consiste à façonner le cours futur des événements, non de succomber au fatalisme. Et nous devons affronter l’inéluctable réalité, à savoir qu’aucun des grands problèmes mondiaux – depuis le changement climatique jusqu’à la prévention des pandémies en passant par l’instabilité économique et la prolifération nucléaire – ne pourra être résolu sans la Chine.

Renoncer à dialoguer avec la Chine reviendrait à renoncer à résoudre les problèmes les plus pressants de l’humanité. Pire, nous ignorerions des faits saillants, vitaux pour notre sécurité et notre prospérité.

A l’heure actuelle, le plus grand référentiel de données sanitaires au monde se trouve en Chine. La principale source de principes actifs entrant dans la composition des médicaments mondiaux est en Chine. Et la plus grande source d’émissions de carbone se trouve également en Chine. En fait, la Chine a émis plus de carbone dans l’atmosphère au cours des dix dernières années que le Royaume-Uni depuis le début de la révolution industrielle au XVIIIe siècle.

La façon dont la Chine réglemente ses données, développe ses médicaments ou mène sa recherche médicale sera d’une importance capitale pour l’humanité entière. Et que la Chine stoppe ou non ses émissions de carbone sera probablement déterminant pour savoir si notre planète sera en mesure d’éviter les pires ravages du changement climatique, ou si elle sombrera dans la catastrophe.

Nous avons d’ores et déjà appris à nos dépens comment la manière dont la Chine gère la pandémie peut affecter le monde entier. N’ayons par conséquent aucun doute : les décisions prises à Pékin auront des répercussions sur nos propres existences.

Ne nous devons-nous pas de faire tout notre possible pour influencer ces décisions dans le sens de nos intérêts ? Il serait sans doute clair et facile pour moi – peut-être même satisfaisant – de déclarer que nous sommes confrontés à une nouvelle guerre froide et que notre objectif est d’isoler la Chine. Ce serait clair, ce serait facile et ce serait satisfaisant – et ce serait une erreur majeure, car cela reviendrait à trahir notre intérêt national et à délibérément méconnaître le monde moderne.

En réalité, notre gouvernement défendra directement les intérêts britanniques auprès de la Chine, aux côtés de nos alliés, tout en défendant fermement notre sécurité nationale et nos valeurs. Nous pouvons nous attendre à des désaccords profonds ; je puis vous assurer qu’avoir affaire à la Chine n’est pas un exercice de tout repos ; les Chinois obéissent à une tradition autoritaire impitoyable qui n’a rien à voir avec la nôtre.

Mais nous avons l’obligation, au nom des générations futures, d’engager le dialogue car sinon nous manquerions à notre devoir de préserver – et de façonner – l’ordre international. Se dérober face à ce défi ne serait assurément pas un signe de force, mais de faiblesse.

Vladimir Poutine n’a jamais eu l’intention de mettre en évidence la puissance de l’Occident lorsqu’il a lancé son offensive contre l’Ukraine. Mais notre réaction montre que lorsquele Royaume-Uni, les États-Unis, l’Europe et nos autres partenaires dans le monde se présentent unis, nous sommes en capacité d’affronter n’importe quoi.

Nous devrions avoir toute confiance dans notre capacité collective à nous engager de façon résolue mais constructive avec la Chine, non pas en tant que fin en soi, mais dans l’objectif de gérer les risques et de produire des résultats. Et nous avons obtenu des résultats.

Permettez-moi de vous donner quelques exemples. En 2017 la recherche, la recherche britannique, a convaincu le ministère chinois de l’agriculture d’agir contre le risque de résistance aux antibiotiques en restreignant l’usage de la colistine, un antibiotique utilisé dans l’alimentation animale. Les ventes ont aussitôt chuté de 90 %, améliorant ainsi la santé de tous les habitants de la planète.

L’année dernière, nos diplomates en Chine ont contribué à convaincre les autorités d’amender un projet de loi sur les marchés publics, augmentant ainsi les chances des entreprises britanniques de répondre aux appels d’offres des entreprises d’Etat. Cette année, ils ont obtenu des licences d’une valeur de 600 millions de livres afin de permettre aux établissements britanniques de lancer des sociétés de gestion de fonds en Chine.

Le statut du Royaume-Uni en tant que membre fondateur de l’Asian Infrastructure Investment Bank nous a également permis d’influencer l’approche chinoise vis-à-vis de cette nouvelle institution, l’empêchant de devenir une extension politisée des Nouvelles routes de la soie. La Chine est le principal actionnaire de cette banque, laquelle a son siège à Pékin, et pourtant moins d’une semaine après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, elle a gelé l’ensemble de ses projets en Russie.

Mais même si le dialogue peut fonctionner, la vérité est qu’un pays comme le nôtre, épris de liberté et de démocratie, sera toujours déchiré entre la défense de ses intérêts nationaux dans sa relation avec la Chine, et son aversion envers les abus commis par Pékin. Lorsque nous voyons de quelle façon les Etats autoritaires traitent leur propre population, nous nous demandons ce qu’ils nous infligeraient s’ils en avaient l’occasion. Et l’histoire nous enseigne que la répression à l’intérieur se double fréquemment de l’agression à l’extérieur.

Par conséquent notre politique doit combiner deux approches : nous devons parler avec la Chine quand cela est nécessaire, et ne jamais fermer les yeux sur son autoritarisme.

Et cela suppose de ne jamais déroger à un principe clair. Nous ne nous attendons pas à ce que nos désaccords avec Pékin soient rapidement surmontés, mais nous attendons de la Chine qu’elle respecte les lois et obligations auxquelles elle a librement souscrit. Ainsi, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, elle a notamment endossé la responsabilité de faire respecter la charte de l’ONU. En tant que partie prenante de la Déclaration conjointe [sino-britannique], la Chine a convenu de préserver la liberté de Hong Kong. En tant que signataire de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de la Convention contre la torture et de nombreux autres textes du droit international, la Chine a accepté de se soumettre à une série d’obligations.

Or si la Chine les enfreint, nous sommes en droit de le faire savoir et en droit d’agir – ce que nous ferons -, comme nous avons agi lorsque Pékin a supprimé les libertés à Hong Kong, violant ainsi sa propre parole, raison pour laquelle nous avons offert à près de trois millions de Hongkongais la possibilité d’acquérir à terme la citoyenneté britannique.

La coexistence pacifique doit commencer par le respect des institutions et des lois fondamentales, parmi lesquelles la Charte de l’ONU, qui protège chaque pays contre l’invasion. Et cela s’applique à tous les pays : un diplomate chinois à Paris ne peut et ne devrait pas décider seul du statut juridique de pays souverains.

En attaquant l’Ukraine, la Russie a fourni un exemple éclatant de la façon dont un Etat membre de l’ONU ne devrait pas se comporter. Et Poutine a également foulé aux pieds les principes de non-ingérence et de respect de la souveraineté auxquels la Chine a elle-même adhéré.

Un pays puissant et responsable ne peut se contenter de s’abstenir face à un tel forfait, ni se rapprocher de l’agresseur, ni aider ou encourager l’agression. Un pays qui souhaite occuper une position respectée au sommet de l’ordre international devrait défendre ses propres principes et satisfaire à ses obligations solennelles. Des obligations qui impliquent de respecter les lois qui sont au fondement même de cet ordre.

Cette responsabilité va de pair avec le droit de la Chine à jouer un rôle mondial correspondant à sa taille et à son histoire. Et les droits d’un pays souverain tel que l’Ukraine ne peuvent être niés au seul motif que son agresseur a noué un « partenariat stratégique » avec la Chine.

La politique britannique à l’égard de la Chine comporte donc trois piliers. Tout d’abord nous allons renforcer nos dispositifs de sécurité nationale partout où les agissements de Pékin représentent une menace pour notre peuple et notre prospérité. Nous ne resterons pas sans réaction devant les cas d’ingérence dans notre système politique, de vol de technologie ou de sabotage industriel. Nous redoublerons d’efforts pour préserver la liberté académique et la recherche. Et lorsque apparaîtront des tensions par rapport à d’autres objectifs, nous donnerons toujours la priorité à notre sécurité nationale. Ainsi nous bâtissons notre réseau 5G de la façon la plus sûre possible, et non pas de la manière la plus rapide ou la moins coûteuse.

Les dirigeants chinois mettent en avant leurs intérêts fondamentaux – et il est naturel qu’ils le fassent. Mais nous avons aussi nos intérêts prioritaires, et l’un d’eux est de promouvoir un modèle de monde dans lequel nous souhaitons vivre, où chaque individu, où qu’il soit, est en mesure de jouir du droit universel à être traité avec dignité, à ne pas être torturé, à ne pas être réduit en esclavage, à ne pas être victime de détention arbitraire.

Et ces valeurs n’ont rien de spécifiquement « occidentales » : la torture est toujours douloureuse, quelle que soit la personne qui y est soumise.

Donc lorsque le Royaume-Uni condamne l’incarcération massive de la population ouïghoure au Xinjiang, j’espère que nos homologues chinois ne croient pas à leur propre rhétorique selon laquelle nous cherchons simplement à nous mêler de leurs affaires intérieures. Tout comme nous devons nous efforcer de comprendre mieux la Chine, j’espère que les responsables chinois comprendront que lorsque leur gouvernement met en place une nouvelle version de l’archipel du Goulag en emprisonnant, à l’apogée de cette campagne, plus d’un million de personne, souvent pour le simple fait d’avoir observé leur religion, cela nous remue au plus profond de nous.

Lorsque les Nations unies constatent que la répression chinoise au Xinjiang pourrait – je cite – « constituer des crimes internationaux, notamment des crimes contre l’humanité », notre révulsion est sincère et largement partagée dans notre pays et au-delà. Nous n’allons pas laisser ce qui se passe au Xinjiang sombrer dans l’oubli ou être mis sous le coude. Nous ne pouvons ignorer cela au seul prétexte que cela se passe de l’autre côté d’une frontière, ou qu’en parler risquerait d’être considéré comme discordant ou impoli.

En deuxième lieu le Royaume-Uni approfondira sa coopération et renforcera son alignement avec ses amis et partenaires de l’Indo-Pacifique et du reste du monde. Notre objectif sera de renforcer la sécurité collective, d’approfondir les liens commerciaux, de faire respecter le droit international et, là où cela est nécessaire, de s’inscrire dans un rapport d’équilibre ou de concurrence si c’est nécessaire.

Je me réjouis donc que le Royaume-Uni soit bientôt le douzième partenaire de l’Accord de partenariat transpacifique. Cela renforcera nos liens commerciaux avec des économies en croissance rapide. Nous sommes d’ores et déjà le seul pays européen à être un partenaire de dialogue de l’Association des pays d’Asie du Sud-Est. Nous approfondissons notre partenariat de longue date avec l’Inde. Nous développons notre prochaine génération aéronautique avec le Japon. Et nous nous sommes joints aux Etats-Unis afin d’aider l’Australie à produire des sous-marins à armement conventionnel et à propulsion nucléaire dans le cadre du partenariat AUKUS.

Avec ses amis, le Royaume-Uni œuvrera pour l’ouverture et la transparence dans l’Indo-Pacifique.
La Chine procède aujourd’hui au plus important renforcement de ses capacités militaires jamais observé en temps de paix. En l’espace de quatre ans seulement – de 2014 à 2018 – la Chine a lancé de nouveaux navires de guerre surpassant les tonnages combinés de la totalité des unités actives de la Royal Navy.

Et lorsque nous constatons ce fait ; quand nous voyons de nouvelles bases surgir en mer de Chine méridionale et au-delà, nous ne pouvons que nous demander : à quoi cela va-t-il servir ? Pourquoi la Chine procède-t-elle à un investissement militaire aussi colossal ?

Et si nous devons en tirer nos propres conclusions, la prudence nous dicte de prévoir le pire. Et cependant, bien entendu, nous pourrions nous tromper ; il est possible que nous nous montrions trop prudents et trop pessimistes.

Le Royaume-Uni et ses alliés sont disposés à être ouverts au sujet de leur présence dans l’Indo-Pacifique. Et j’exhorte la Chine à être aussi ouverte sur la doctrine et les objectifs qui sous-tendent son expansion militaire, parce que la transparence est sans aucun doute dans l’intérêt de tous, alors que le secret ne peut qu’accroître le risque d’un mauvais calcul susceptible de déboucher sur une catastrophe.

Ce qui m’amène à Taiwan. La position du Royaume-Uni est que nous souhaitons un règlement pacifique des différends portant sur le Détroit. Parce que près de la moitié des porte-conteneurs du monde empruntent chaque année cette voie maritime vitale, chargés de marchandises à destination de l’Europe et des coins les plus reculés du monde. Taiwan est une démocratie florissante et un maillon essentiel des chaînes d’approvisionnement mondiales, notamment dans le domaine des semiconducteurs dernier cri.

Une guerre autour du Détroit ne serait pas seulement une tragédie humaine, elle coûterait, selon les calculs de Nikkei Asia, pas moins de 2600 milliards de dollars au commerce mondial. Aucun pays ne pourrait se prémunir contre les conséquences qui en découleraient. La distance ne procurerait aucune protection contre ce coup catastrophique porté à l’économie mondiale – et en premier lieu à l’économie chinoise. Je tremble en songeant au gâchis humain et financier qui s’ensuivrait. C’est pourquoi il est essentiel qu’aucune des parties ne se livre à une initiative unilatérale destinée à modifier le statu quo.

Enfin le troisième pilier de notre politique consiste à dialoguer directement avec la Chine, de façon bilatérale et multilatérale, afin de préserver et de nouer des relations ouvertes, stables et constructives reflétant l’importance mondiale de ce pays.

Nous croyons en une relation positive de commerce et d’investissement tout en nous affranchissant de toute dépendance à l’égard de chaînes d’approvisionnement vitales. Nous souhaitons que les entreprises britanniques fassent des affaires avec la Chine – tout comme le font les entreprises américaines, australiennes, européennes et de l’Asean – et nous soutiendrons leurs efforts pour que les termes en soient bénéfiques pour les deux parties, en mettant en place un environnement équitable et une concurrence plus juste.

Nous avons intérêt à continuer à bénéficier des investissements chinois mais ferons en sorte que le long bras du Parti communiste chinois ne puisse s’en prendre directement au système nerveux central de notre pays. Par le passé nous n’avons pas toujours su trouver l’équilibre parfait entre ouverture et sécurité. Aujourd’hui nous nous dotons de pouvoirs juridiques adaptés afin de préserver ce qui doit l’être tout en nous montrant ouverts chaque fois que cela est possible.

Mais avant tout nous devons être correctement préparé pour relever ce défi, c’est pourquoi nous doublons notre financement des capacités chinoises à tous les niveaux de notre gouvernement ; nous avons alloué les ressources nécessaires pour construire une nouvelle ambassade à Pékin et je suis déterminé à parvenir à un accord avec le gouvernement chinois pour que les travaux puissent commencer.

Notre approche de la Chine doit donc combiner tous ces éléments – protéger nos intérêts nationaux, nous aligner avec nos amis, dialoguer et commercer avec la Chine là où nos intérêts convergent, éviter la politique des petites phrases, et défendre en permanence les valeurs universelles que le Royaume-Uni chérit.

Je suis fermement convaincu qu’il n’existe aucune inéluctabilité : c’est à nous de façonner l’avenir, avec l’humble conscience que la façon dont nous répondons aujourd’hui à ce défi contribuera à définir le monde moderne.

Je vous remercie.

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Publié le 25 avril 2023